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Publié le 16 octobre 2025 par Hubert Mortemard de Boisse

L’essor espéré des modes amiables ou alternatifs de règlement des différends en France

La longueur des procédures devant la justice traditionnelle, très sinistrée par un manque de moyens et de juges alloués par l’Etat, l’essor du numérique et de la digitalisation des échanges ou encore la crise sanitaire et la limitation des déplacements, sont autant d’ingrédients qui inclinent de plus en plus d’acteurs économiques français à recourir à l’arbitrage à la médiation ou à la conciliation.

Et ce, préalablement à une procédure contentieuse classique ou à tout moment après son début, dans ce qu’on appelle désormais les « modes amiables de résolution des différends » (MARD).

Le pouvoir juridictionnel des Tribunaux, le législateur français l’a bien compris en renforçant récemment[1] dans les règles procédurales les possibilités de conventionnaliser le procès et d’accompagner les parties vers un règlement amiable, en conciliation, médiation ou arbitrage, en marge du contentieux.

Le Tribunal devient ainsi le promoteur pédagogique du recours des Parties aux MARD en général et à l’arbitrage en particulier, afin de limiter le nombre de dossiers à traiter et d’accélérer la durée des procédures.

Conciliation

La « conciliation » conduit un juge indépendant à réunir les parties dès le début du procès, avec présence obligatoire (et amende en cas d’absence). Le conciliateur écoute les parties afin de prendre en considération les différents points de vue pour proposer une solution adaptée à la situation, qu’elles peuvent ou non accepter.

En cas d’accord, même partiel, un constat d’accord peut être établi et signé par les parties et le conciliateur de justice. L’accord peut être soumis au juge pour homologation, ou, si l’accord est contresigné par leurs avocats, les parties peuvent demander au greffier d’apposer la formule exécutoire.

La conciliation rencontre un franc succès avec des taux de résolution de près de 60 % dans les litiges commerciaux dans lesquels elle est mise en œuvre.

Médiation

La « médiation » offre un éventail de modes de règlement des différends, avec des degrés graduels et panachables, à tout moment de la procédure, ou en dehors. Le CMAP (Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris) s’est ainsi développé depuis une vingtaine d’années pour les arbitrages et médiations sur le marché domestique.

A Lyon, le Barreau et la Chambre de commerce ont annoncé la création d’une Chambre d’Arbitrage et de Médiation qui sera fonctionnelle d’ici fin 2025 et s’adressera à toutes les entreprises du territoire confrontées à des différends commerciaux ou contractuels.

Procédure participative

Dans la « procédure participative », les parties signent un contrat qui les engage à tenter de régler le litige à l’amiable avant de saisir le juge. 

Ce contrat est conclu pour une durée limitée et l’assistance d’un avocat est obligatoire. Les avocats organisent une négociation de bonne foi afin de trouver une solution aux différends.

En cas d’accord total, les avocats rédigent un protocole d’accord. Une partie peut demander au juge d’homologuer l’accord ou demander au greffe d’apposer la formule exécutoire sur l’accord.

En cas d’accord partiel (un accord de désignation d’un expert chargé, par exemple, de valoriser des parts sociales), les parties peuvent saisir le juge pour lui demander d’homologuer les points d’accord et de trancher les points de désaccord, en obtenant en contrepartie une date d’audience très accélérée.

Audience de règlement amiable

« L’audience de règlement amiable » (« ARA ») peut être mise en place au cours de la procédure judiciaire dans certaines affaires complexes.

Ce dispositif permet de confier à un juge, qui n’est pas celui saisi du litige, la mission d’amener les parties à trouver une solution au conflit qui les oppose dans un cadre confidentiel. Elle peut se dérouler à la demande de l’une des parties ou être décidée d’office par le juge. Le procès est interrompu le temps de l’audience de règlement amiable.

Le juge tient un rôle central : il rappelle les grands principes de droit applicables à la matière, pour permettre aux parties d’affiner leurs positions et de les faire converger vers un accord.

Les parties peuvent demander au juge de formaliser les termes de leur accord dans un procès-verbal qui aura force exécutoire.

Césure du procès civil

La « césure du procès civil », qui a fait ses preuves en Allemagne et aux Pays-Bas, consiste à faire trancher par le juge les points centraux du litige, en particulier la question de droit qui en est à l’origine (validité d’un titre de propriété, principe de responsabilité), pour permettre ensuite la résolution amiable des points restant en litige. À défaut d’accord, les parties pourront obtenir un second jugement sur le litige qui subsiste.

Par exemple, en cas d’accident médical, le demandeur peut solliciter un jugement partiel sur le principe de la responsabilité de son adversaire. Si ce dernier est reconnu responsable, les parties négocieront amiablement les conséquences indemnitaires. Cet outil vise ainsi à assurer un traitement proportionné de l’affaire en offrant aux parties l’opportunité de résoudre amiablement le litige.

En cas d’échec de ces différents modes amiables, les parties et leurs avocats peuvent saisir le juge afin qu’il tranche le litige.

Arbitrage simplifié

L’arbitrage simplifié enfin, est également favorisé avec différents dispositifs simplifiés à côté de l’arbitrage classique :

  • une lettre de mission / compromis d’arbitrage standard prérempli et les options prédéterminées ;
  • Recours à des Tribunaux préconstitués (gain de temps et garantie d’impartialité) ;
  • Mise en état accélérée, nombre de mémoires limités (objectif : 2 par partie) ;
  • Le contentieux/incident de la mise en état joint systématiquement au fond.

L’objectif est de réduire à 6 mois le délai pour obtenir la sentence finale.

Alors que le coût de l’arbitrage, même institutionnel, est l’une des raisons essentielles qui bloque son développement, le cout d’un arbitrage simplifié est ainsi réduit : de USD 30k à USD 70k pour un arbitrage national (couvrant les frais administratifs et les honoraires du/des arbitres, hors honoraires des conseils des parties).

Conclusion

Le recours à un mode alternatif ou amiable offre des bénéfices évidents pour les entreprises : Rapidité, confidentialité, maîtrise des coûts, sécurité juridique. Ils permettent de parvenir à des solutions personnalisées, adaptées aux secteurs d’activité, aux montants engagés, et aux contraintes internationales. Ils permettent enfin de préserver les relations commerciales, souvent fragilisées par les procédures classiques, et de résoudre les litiges dans un temps compatible avec la vie des affaires.

Aux avocats de se saisir plus massivement de ces outils et des dernières évolutions réglementaires, au grand bénéfice de leurs clients et d’une résolution plus rapide de leurs litiges.


[1] Depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (modifiée) le cadre législatif et réglementaire impose, pour certains types de litiges, une tentative obligatoire de MARD avant toute procédure judiciaire.

Le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile, précise les conditions de cette obligation, notamment par la définition de motifs légitimes et de délais raisonnables qui peuvent dispenser les parties de cette exigence préalable. Le non-respect de cette obligation peut entraîner l’irrecevabilité de la demande en justice, soulignant l’importance de cette démarche initiale.

Voir également le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire et le Décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l’instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends

Hubert Mortemard de Boisse

Avocat au Barreau de Lyon - Bâtonnier élu du Barreau de Lyon

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